23 mars 2023

« Drii winter », l’amour jusqu’au bout

Avec « Drii winter », le réalisateur suisse Michael Koch nous offre une réflexion très juste sur l’amour et la constance dans une époque si changeante.

Anna vit dans un petit village de montagne près du col de la Furka. Elle élève seule sa fille, travaille comme postière et donne parfois un coup de main à sa mère à l’auberge. L’été, elle participe aux fauches. Marco est un gars de la plaine, solide comme un roc et adepte de la moto. Ils se rencontrent, s’apprivoisent, se marient… Cependant, Marco souffre de plus en plus souvent de maux de tête. Des médecins lui découvrent une tumeur. Malgré une opération, il ne sera plus jamais le même.

« Drii winter » de Michael Koch

Avec Simon Wisler, Michèle Brand, Josef Aschwanden, Daniela Barmetter

Sortie : 22 mars 2023

***

Un retour aux sources

C’est le deuxième film après « Marija » de l’acteur et réalisateur Michael Koch. Cette fois-ci, il retrouve sa région natale Lucerne, et surtout le canton d’Uri et sa société rurale. C’est là un des premiers atouts de ce film, nous plonger dans la vie actuelle et quotidienne des gens de la montagne. Au fil des saisons (trois hivers, d’où le titre du film), sa caméra suit avec empathie et justesse le travail à l’alpage, les relations entre les hommes et les bêtes, les soirées au café… Michael Koch a vécu longtemps dans ce milieu et a souhaité que celles et ceux avec qui il avait réussi à tisser un lien particulier acceptent de jouer dans le film : la grande majorité des acteurs sont donc des amateurs, notamment Simon Wisler. Celui-ci joue Marco avec toute l’ambivalence nécessaire : son regard rempli d’amour et son sourire timide contrastent avec sa forte carrure, écho d’un monde à la fois difficile et poétique. Sa maladie n’a pas d’impact physique mais neurologique, affectant l’usage de la parole et le comportement. Le contraste est alors saisissant entre cet homme qui apparait comme solide extérieurement et sa fragilité intérieure. Ainsi en est-il de la montagne qui subit le réchauffement climatique et de cette société rurale qui perdure mais on ne sait pas jusqu’à quand…Face à lui, Anna (Michèle Brand) se révèle. Comme elle l’a imposé à sa communauté en l’épousant, elle choisit peu à peu d’écouter de nouveau ses sentiments et de l’accompagner fidèlement jusqu’au bout. Sous son air fragile, elle cache une grande volonté et une force. Marco et Anna sont des personnages touchants et percutants.

Un air de tragédie grecque

Dans « Marija », premier film du réalisateur, la protagoniste est une ukrainienne qui souhaite ouvrir son salon de coiffure à Dortmund. Déjà, Michael Koch évoque la figure de l’étranger qui lutte pour se faire accepter dans une société qui n’est pas la sienne. Marco est un gars de la plaine qui trouve un travail au milieu de ces montagnards bourrus et exigeants. Ceux-ci le jaugent, gardent leur distance. Il doit faire ses preuves, gagner en empathie dans cette société où tout le monde se connait et où, mine de rien, les anciens surveillent les plus jeunes. Le regard qu’ils vont poser d’abord sur Marco, puis sur Anna est révélateur d’une reconnaissance grandissante mais aussi d’un sens des responsabilités que la jeune génération peut être tentée d’oublier : on se marie pour le meilleur et pour le pire…. Ainsi et peu à peu, Anna reprend en main son histoire d’amour avec Marco et décide de la vivre jusqu’au bout, peu importe les remarques cruelles de son entourage. Michèle Brand, architecte dans la « vraie » vie, incarne avec subtilité cette femme qui passe par toutes les étapes : la sidération, le déni, l’acceptation. L’histoire est ponctuée par les chants d’un chœur mixte (le chœur de Lucerne) comme dans les tragédies grecques. Ce chœur devient un personnage à part entière : il assiste aux joies et aux souffrances de Marco et Anna et commente leurs actions. Les spécialistes rappellent que le chœur fonctionne également comme une mémoire, une conscience gardienne des lois ancestrales. En faisant chanter le chœur toujours en pleine nature (dans l’alpage, près du ruisseau), Michael Koch remet l’être humain en perspective et rappelle que si l’homme est partie prenante de cet environnement, il ne fait  que passer…

Le film a représenté la Suisse aux Oscar 2023. Il a également reçu la mention spéciale du jury à la Berlinale 2022 et concourt au Swiss Film Awards 2023 avec six nominations : “meilleur film de fiction”, “meilleur scénario”, “meilleur acteur” et “meilleure actrice”, « meilleur musique » et « meilleur son ».

Un film intelligent et sensible malgré quelques longueurs.

 

Virginie Hours, reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés

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